DÉCOUVERTE – En cette drôle de saison, la cité maritime de l’Hérault a réaménagé son programme d’animations pour assurer aux vacanciers un été festif et cultivé.
Hymne à la poésie contemporaine, les Voix vives de Méditerranée investiront les rues, les places, les jardins du 17 au 25 juillet. Comme prévu, les tournois de joutes des Fêtes de la Saint-Louis se disputeront sur le Canal royal du 20 au 25 août. Ces deux rendez-vous résument l’ADN de Sète, ancré dans une mer nourricière et source d’inspiration. Ce premier port de pêche et deuxième port de commerce français de la Méditerranée, pas mal pour une cité de 45.000 habitants, est un vivier d’artistes.
En 2021, il célébrera les 150 ans de la naissance de Paul Valéry et les 100 ans de celle de Georges Brassens. L’homme de théâtre Jean Vilar, créateur du Festival d’Avignon, et nombre de peintres cotés, Gabriel Couderc, Jean Raymond Bessil, Hervé Di Rosa, Robert Combas, Topolino… sont ses enfants. Pierre Soulages a fini par s’y installer. Agnès Varda y a grandi, puis tourné son premier film. Et la collection de street art, une trentaine d’œuvres aujourd’hui, s’enrichit à chaque K-Live, l’un des nombreux festivals qui rythment la belle saison. Sauf cette année.
Plein à craquer avant la crise sanitaire, l’agenda a fondu à la vitesse grand V. Mais, début juin, la résistance s’est organisée. Seules grandes manifestations confirmées, les 22es Voix vives de Méditerranée et les 277es Fêtes de la Saint-Louis mettront ces jours-ci en ligne leur plan B adapté à la conjoncture. Quant aux organisateurs des sept festivals annulés en juillet-août, ils vont orchestrer des concerts dans les lieux publics, à défaut de spectacles sous les étoiles au Théâtre de la Mer, installé dans l’enceinte XVIIe du fort Saint-Pierre. Celle-ci devient cet été le Cinéma de la Mer: «Du 1er juillet au 31 août, 90 films y seront projetés en plein air, à raison d’une séance chaque soir, à 22 heures, du dimanche au mercredi, plus une deuxième séance à minuit les jeudis, vendredis et samedis, détaille Tiphaine Collet, la directrice de l’office du tourisme. Les spectateurs n’occuperont qu’un siège sur trois, ce qui représente tout de même 500 places.»
L’île singulière
Entre ces réjouissances citadines et les plaisirs balnéaires, l’été 2020 ne s’annonce finalement pas si différent pour les vacanciers. D’autant plus que la plus belle représentation, c’est la ville elle-même, quadrillée de canaux enjambés par douze ponts, fixes, tournants, levants ; bosselée comme une baleine par le mont Saint-Clair et étirée comme une presqu’île. Évidemment, comme toute cité de canaux, on la surnomme «la Venise de…». Appellation à oublier. Avec «l’île singulière», Paul Valéry a offert à Sète la plus belle des AOC. Au sommet du mont Saint-Clair, 183 m d’altitude, vue à 360° sur la grande bleue et l’étang de Thau strié de parcs à huîtres, on se croit bel et bien sur une île. Le regard tantôt aimanté par les quais colorés et les installations portuaires, tantôt par trait clair du Lido, 12 km de plage entre mer et lagune, jusqu’à Marseillan.
Après ces arrêts sur image en haut lieu, embarquement pour un travelling, le temps d’une mini-croisière. La plus complète, 1 h 30, navigue sur les canaux, dans les ports et sur l’étang. Les commentaires font la part belle à l’histoire de Sète, créée par Louis XIV, on ne le remerciera jamais assez, afin d’assurer au futur canal du Midi un débouché sur la Méditerranée. L’acte de naissance de la ville est daté du 29 août 1666. Ce jour-là, coup d’envoi des travaux du port, le premier tournoi de joutes fut organisé pour fêter la Saint-Louis. Au Musée de la mer (entrée libre), une nouvelle salle présente ce sport languedocien dont raffolent les Sétois. Plus d’un millier le pratiquent, initiés dès l’âge de 3 ans dans une école dédiée, puis enrôlés par sept sociétés de joutes.
Paul Valéry en a fait tout un poème : «Le Cimetière marin», accroché à flanc de falaise au pied du mont Saint-Clair.
Accroché à flanc de falaise entre ciel et mer, au pied du mont Saint-Clair, l’endroit est superbe. Paul Valéry en a fait tout un poème, Le Cimetière marin, 24 strophes et 144 vers. Les premiers sont gravés dans nos mémoires d’écoliers: «Ce toit tranquille, où marchent des colombes,/ Entre les pins palpite, entre les tombes ;/ Midi le juste y compose de feux/ La mer, la mer, toujours recommencée…» Ce lieu de sépulture s’appelle en réalité le cimetière Saint-Charles. Mais, en hommage au poète qui repose ici depuis 1945, la ville a accolé au nom officiel du site celui du fameux poème, publié il y a pile cent ans. Le premier manuscrit se trouve au Musée Paul-Valéry (juste au-dessus du cimetière). Dans ce musée de peinture, un espace a été réservé à l’écrivain. On y découvre une mine de documents et, plus inattendu, des dessins, pastels et aquarelles réalisés par lui.
L’Espace Brassens est un lieu de retrouvailles. Ici, le poète vous raconte sa vie à l’oreille, par audioguide interposé. Grâce à cette formidable bande-son composée d’enregistrements parfaitement synchronisés, c’est lui qui vous guide à travers les dix salles consacrées chacune à un épisode de son existence. Avec le casque, on l’écoute parler. Et, sans le casque, on l’entend chanter, car ses chansons passent évidemment en boucle dans le musée. On en ressort avec des accords de guitare et des paroles plein la tête. Tel ce couplet de la Supplique pour être enterré à la plage de Sète. «Creusez si c’est possible un petit trou moelleux/ Une bonne petite niche/ Auprès de mes amis d’enfance, les dauphins/ Le long de cette grève où le sable est si fin/ Sur la plage de la Corniche.» Brassens n’a pas obtenu gain de cause. Il repose devant «la grand mare des canards» (l’étang de Thau dans Les Copains d’abord), au cimetière du Py, de l’autre côté du boulevard Camille-Blanc, en face du musée.
Traverse Agnès Varda, dans le quartier de la Pointe Courte, une fresque monumentale rend hommage à la cinéaste qui tourna ici son premier film en 1954.
C’est un bout de terre en lame de couteau au bord de l’étang de Thau, habité par des pêcheurs et une colonie de chats. Avec ses maisonnettes mitoyennes, son fouillis de filets et cabanons et ses petits bateaux à touche-touche, ce mini-quartier – un quai, deux rues, quelques traverses – est un monde à part. En 1954, Agnès Varda y a tourné, avec Silvia Monfort et Philippe Noiret, son premier film, La Pointe Courte, prélude à la Nouvelle Vague. Au café Le Passage, on s’attarde devant les photos du tournage. Depuis l’an dernier, une traverse porte le nom de la cinéaste. Une fresque monumentale lui rend hommage.
Par Annie Barbaccia, Publié le 23 juin 2020 à 07:00 ( LE FIGARO)
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